L’ Art et la Méthode
La Peinture aujourd’hui...
Un bref survol de l’Histoire de la peinture suffit à tracer le cadre de notre sujet.
L’évolution d’abord lente, s’emballe brusquement au cours des deux derniers siècles.
Au début, l’expression est figurative, les artistes représentent avec fidélité décalée et imagination, les personnages, les paysages et les choses du réel. L’art est alors empreint de spiritualité et de foi.
Au cours du XXème siècle, tout change.
Les peintres se donnent pour mission de représenter des émotions "Supérieures"; et l’on se convainc que l’on peut les trouver au niveau de l’intellect. Non plus incarnées dans des formes connues et compréhensibles dans l’instant, mais dans des idées jetées sur de la toile !
Le cerveau à la place du cœur, l’intelligence analytique à la place de l’intelligence organique...
Désormais, le concept de l’artiste intellectuel s’impose et le sujet disparaît du
tableau : l’ère de la peinture abstraite s’ouvre.
Voici en quelques mots résumé le cheminement du figuratif vers l’abstrait, avec bien sûr, ce faisant, des étapes incontournables telles l’impressionnisme où la figuration devient floue, suivi du cubisme où, analysé, "géométrisé" et décomposé par l’artiste, le sujet finit par devenir méconnaissable.
Les réussites en ces domaines sont indéniables; puisque le figuratif y demeure essentiel.
Quoiqu’il en soit, l’orientation de cette peinture débouche sur une impasse, dont chacun peut aujourd’hui être le témoin déçu.
Car de la même façon que l’œil humain ne perçoit rien en deçà de l’infrarouge ou au delà de l’ultraviolet, il n’y a, dans l’art de la peinture, rien à ressentir au delà du figuratif, où règne cet autre art qu’est la photographie, ni au delà de l’abstrait, puisque lorsque l’on fait disparaître le sujet, la couleur et la forme, c’est nécessairement la peinture elle-même qui a disparu.
Plus encore, avec l’idée de "Modernité", concept facilement exploitable par le marché, dans son acception la plus intolérante, s’ingénie-t-on souvent à mettre en concurrence, en les confondant déloyalement, l’art pictural avec les réalisations des artistes performers et autres installations qui relèvent en réalité, de l’art de la sculpture ou de celui du cinéma, dans leur expression la plus radicale. Les performances et installations étant ou non filmées.
Il faut le dire avec sérénité mais avec force : Il n’y a pas de progrès en art, il n’y a que de la singularité !
J’ai pour ma part une certitude. On peut avoir foi en la capacité de résilience de la peinture. Essentiellement pour la raison qu’au delà des échecs picturaux des "Modernistes", elle a en tous temps prouvé sa pertinence à construire un langage émotionnel commun entre les hommes, pourtant tellement différents entre eux.
L’erreur consiste à vouloir peindre des idées, exercice où l’émotion est faible, et non des sentiments incarnés dans des formes immédiatement identifiables. Cette confusion, cet appauvrissement, nous les devons à la survenue de la photographie qui a décontenancé les peintres mais surtout, à l’illusoire concept de progrès qui ne cesse de subjuguer les esprits matérialistes.
Il faut que l’Art, sous-tendu par le Beau, le Bien et le Vrai du Monde, révélés par les sens, redevienne accessible aux êtres humains au delà de leur diversité. Et pour cela, que la contemplation d’une toile soit davantage un rendez-vous émotionnel que le prétexte à une discussion d’érudits. Cessons d’être prétentieux et redevenons orgueilleux !
L’Art, c’est l’émotion qui ouvre les "Portes" de l’Univers…
La réussite d’un tableau ne peut se résumer à une formule disait à juste titre Pierre-Auguste RENOIR. Mais il y a cependant une vérité simple : nul besoin d’explication ou de cours particulier pour ressentir la beauté du coucher de soleil, il suffit de posséder de la sensibilité... ainsi en va-t-il de la Peinture. A condition d’y trouver une émotion intense, une expérience spirituelle et dés lors pour l’Homme, la conviction ou peut-être seulement l’espoir, que la Vie, aussi tragique soit-elle, vaut quand même la peine d’être vécue !
Un jour, le poète n’a-t-il pas trouvé au plus profond de son désespoir, dans la contemplation du sourire d’une femme, d’un ciel sur une plaine, d’enfants jouant ensemble, peints sur une toile, des raisons de ne pas mourir...
Jean-Pierre BRUSTIER
« La nuit terrible, avec sa formidable bouche,
Disait : - La vie est douce; ouvre ses portes closes ! -
Et le vent me disait de son râle farouche :
Adore ! Absorbe-toi dans la beauté des choses ! -
Voici qu’après mille ans, seul, à travers les âges,
Je retourne, ô terreur ! à ces heures joyeuses,
Et je n’entends plus rien que les sanglots sauvages
Et l’écoulement sourd des ombres furieuses. »
Mille ans après — Charles-Marie LECONTE DE LISLE